Septembre noir | Black September by Carole Naggar


J'ai du sang sur mes songes
j'ai beau me frotter les paupières l'eau coule rouge
Du sang
sur mes songes et quand j'arrive
à ouvrir les yeux le monde est gris
même s'il fait soleil
je vois flou
les larmes ne passent pas
Gris fer et mes tympans crèvent du vacarme
de fer et de chair
déchirante déchirée sous
des pans de paysage tombés
comme autant de Babel
Alors je cours vers le nord du nord
cisaillant la foule comme un plongeur dont
les poumons brûlent.
Je convoque tous les océans verts de l'enfance
les violes baroques et douces
toutes les mains tenues les naissances les rires les promesses,
En vain. La meute des morts gronde sur mes talons et mord
Toutes les sirènes des camions rouges sanglotent
comme des jouets cassés et
les pompiers sont gris de tristesse
Je n'ai pas vu les morts, pas cette fois,
( mais mille fois
quand l'horreur était loin, chez l'autre)
Pourtant ils reviennent danser chez moi fresque ricanante
lucioles terribles du crépuscule.
Une couverture, deux chaussures vides,
des piles de linge frais
en convoquent six mille dans la maison
tiède où nos enfants dorment sains et saufs.
L'eau du verre sent la cendre
et pareille à un pourrissement hâtif de feuilles mouillées
l'odeur envahit l'air.
Cette année automne pourri. Pas d'été indien,
Le siècle neuf déjà trébuche.
Pas de barbecues dans les cours.
Pas de blagues légères un peu idiotes.
La meute rit: elle a
fini par attraper un nouveau continent
dans sa gueule, et lui secoue la gorge:
regarde la fumée la boue
les ailes brisées de l'ange
Regarde Hiroshima Pearl Harbour Dresden
le Blitz Omaha Beach-
tout ça à domicile.
L'innocence est tombée à l'eau dans le fleuve Hudson avec
les débris minuscules
d'une fierté à feu et à sang.


 


I have blood on my dreams
and even though I rub and rub
my eyelids, water still runs red.
blood
on my dreams and when my eyes get to open
the world has turned grey
even though the sun shines
and there is a blur and tears cannot come out
Iron grey eardrums blasted
by the thunder
of iron and flesh
tearing, torn under
pieces of landscape fallen
like so many Babel
So I run north, north
arms legs cutting through crowd like a diver
lungs on fire.
I call forth all of childhood's warm green oceans
all of my baroque tender violas
held hands, births, laughs, promises,
In vain. The deads' pack growl
on my heels and bites,
The red trucks' sirens sob like broken toys and
the firemen are grey with sadness.
This time I did not see the dead,
( but a thousand other times
when horror struck far,
at the others')
But still they come back a smirking fresco dancing
fireflies of awe in the dusk.
A bedspread, two empty shoes, piles of fresh laundry
call forth six thousand
in my house where our children sleep sound and safe.
Drinking water smells of ashes and
like a bed of wet leaves rotting too soon
A smell permeates the air.
This year rotten autumn. No indian summer.
The new century has tripped already.
No barbecues in the yards.
No light silly jokes please.
The pack is thrilled they finally caught
in their jaws yet another continent
and they are shaking it at the throat:
look smoke mud
the angel's broken wings,
look: Hiroshima Pearl Harbor Dresden
Omaha Beach the Blitz
All of that, home delivered.
innocence took a fall in the Hudson River
along with the bloody shards
of a pride burnt and shattered.
translated from the French